Image extraite de la vidéo « Je verse un pleur» de 2016. Improvisations chantées a capella concernant des sujets larmoyants abordés dans les journaux télévisés.

Image extraite de la vidéo « Je verse
un pleur» de 2016.
Improvisations chantées a capella
concernant des sujets larmoyants
abordés dans les journaux télévisés.

Loin de nous ouvrir son espace intime, Virginie Le Touze construit des vidéos où elle se sert de son image pour convoquer des représentations stéréotypées de la féminité et de l’amour. L’humour s’introduit avec délicatesse, par l’accumulation par exemple dans Hyperchansond’A. (2006) où elle interprète sur la scène d’un théâtre désert des passages de chansons. Son jeu suit les emprunts qu’elle opère, ne tombant pas dans la caricature grâce à sa maîtrise des techniques vocales, et même si l’enchaînement semble sans fin et l’effet séducteur rapidement désamorcé par un sentiment d’excès, on ne lit sur son visage ni doute ni fatigue. L’enjeu n’est pas comme dans une performance de tester les limites de ce que l’artiste peut chanter ou le public supporter d’entendre, mais au contraire de mettre bout à bout des enregistrements les plus aboutis possibles pour que le processus de mise en crise se fasse par et dans la vidéo, médium de la répétition. C’est dans le temps long de la projection que s’opère le tiraillement du sens, sans qu’il soit nécessaire pour l’artiste de convoquer par son corps d’autres excès comme ont pu le faire Pipilotti Rist ou Yan Duyvendak. Virginie Le Touze a expérimenté l’autofilmage pour pouvoir travailler avec sa voix, et bien qu’elle s’empare de l’image de la féminité qu’elle véhicule à travers son corps, la spécificité de son œuvre réside dans sa focalisation sur le chant. Les expressions du visage servent l’interprétation lyrique et les vidéos font l’économie de la narration. Tout se concentre alors sur le texte et sur ses variations sonores.

 

Mathilde Roman (extrait du texte : « Récits et images de soi : pratiques de l’autofilmage dans l’art vidéo). Catalogue : L’art contemporain et la côte d’azur.