Arnaud Labelle-Rojoux

Sans titre
2006
peinture sur ardoise,
26 x 18 cm
Courtesy Galerie Hervé Loevenbruck, Paris & Galerie Espace A VENDRE, Nice – Collection G. Lagalla.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Verbe farceur

Le Verbe, donc. Dont il est écrit quelque part qu’il était là au commencement. Avant toute chose. Avant même toute possibilité de toute chose. Après aussi, tout bien réfléchi. Un véritable tyran, fier de son omniprésence sémique et neuronale : Comment sortir du langage quand tout ce que nous pouvons penser et faire à son sujet est déterminé par… le langage ? Gavées de structuralisme et d’investigations wittgensteiniennes, on ne compte plus les entreprises littéraires et artistiques prêtes à en découdre avec tout ce qui ressemble de près ou de loin à un Signifiant. Fidèle à ce qu’il énonce lors de l’exposition au capc de Bordeaux («La vie au fond se rit du vrai», 2002) Labelle-Rojoux ne fait nullement partie de ces croisés logophobes. Ne prêtant aucune allégeance particulière au verbe, il ne lui voue aucune haine personnelle. Son credo ? Ne jamais jouer au plus intelligent avec le logos. Rester en-deça, toujours en-deça ! Ligoté et gisant dans quelque arrière-boutique de farces et attrapes sémantiques, le sens sera alors condamné au rire, sans autre forme de procès. Un rire pataphysique, militant et pas peu fier d’apposer Beuys, Beuys, Beuys (techniques mixtes, 1987) sur la photo d’un Boys Band. D’inventer un saloon des refusés avec Ronald Reagan en guest star (acrylique sur papier, 2002). D’escalader une reproduction de Houdin en criant «Tiens, voilà du Houdin !» (performance, 1983). De tripatouiller paralogismes, truismes, tautologies et autres billevesées linguistiques jusqu’à faire gicler, venu de quelque gélatineux recoin inter-synaptique, du jus d’Irréfutable : «le chien est un chien pour le chien» (exposition mondo cane, 2002).

Laurent Quintreau

(Extrait d’un texte publié dans le catalogue «On va encore manger froid ce soir» édité par Semiose et les éditions Loevenbruck à l’occasion de l’exposition éponyme au Mamac, à Nice, en 2008.)

Arnaud Labelle-Rojoux est né en 1950 à Paris où il réside.
Il enseigne à la Villa Arson, à Nice.

 

http://loevenbruck.com