ERIC POITEVIN
Initié à la photographie par un pharmacien durant son adolescence,Éric Poitevin étudie par la suite aux Beaux-Arts de Metz (1980-1985)où il obtient un DNSEP option communication. Enseignant auparavant à l’École des Arts Décoratifs de Strasbourg et à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Nancy, il est depuis 2008 professeur aux Beaux-Arts de Paris.

En 1984, à la faveur d’une bourse du secrétariat d’État aux Anciens Combattants, Éric Poitevin produit sa première série importante. L’année suivante, en 1985 et alors âgé de seulement 24 ans, il entame un tour de France et réalise en studio, à la chambre photographique, une série de cent portraits pudiques en noir et blanc d’anciens combattants. Confrontée à un sujet aussi important et grave que la guerre, la photographie joue ici selon lui le rôle d’ “aide-mémoire”.
Un autre thème récurrent dans son travail est celui de l’animal. De Sans titre (équarrissage)en 2003 à Sans titre (oiseau)en 2012, Éric Poitevin ne montre jamais l’animal dans son environnement naturel, celui-ci étant généralement trouvé mort et photographié selon un dispositif dont la présentation emprunte au domaine de la chasse. Plus récemment en 2011, et faisant suite à une série célèbre de nus couchés datée de 2004, il photographie une nouvelle fois des corps nus, envisagés cette fois-ci comme des paysages. Dans un environnement blanc, ces photographies d’hommes et de femmes, saisis sans aucun voyeurisme ni froideur médicale, témoignent de l’acuité du regard d’Éric Poitevin.
Son œuvre a été notamment exposée au FRAC Auvergne,à la Villa Médicis à Rome, au Musée Bonnat de Bayonne ainsi qu’au Mamco de Genève et au Musée de la Chasse et de la Nature à Paris.

Pour son exposition au Narcissio, la première de l’artiste dans le Sud de la France,Eric Poitevin nous fait également le plaisir de donner, pour la première fois, un titre à l’une de ses expositions : Quelques images.
Une affirmation brute de ce qui est donné à voir, renvoyant à cette frontalité qui est le propre de ses photographies.
L’espace du Narcissio se prête à la présentation d’un ensemble d’œuvres, sans thème dominant parmi les différentes séries de l’artiste. Ces images, piochées dans un corpus plus vaste, construit avec le temps et plantées là comme des jalons, en disent finalement plus sur l’artiste lui-même et ce que l’on accepte de regarder. Ces photographies, tour à tour de graminées, de corps, ou d’objets sur fond blanc, ces paysages, donnent à voir, dans toute leur présence et leur force, les choses telles qu’elles sont, révélant leur sens par la seule brutalité de leur représentation.
Quelques images est une exposition sans superflu, une présence pure de l’image.

Dans les photographies d’Éric Poitevin, il n’y a ni neutralité, ni objectivité, mais de la subjectivité : du choix. Telle qu’il la conçoit, l’image énonce des images. Tout est lisible, sans hiérarchie, mais sans pour autant s’abandonner à l’aléatoire. L’artiste choisit ses sujets parce que ceux-ci sont à portée de main, leur présence dans son œuvre reflète leur présence dans son quotidien, et leur apparente ruralité est l’image de sa propre ruralité. Ainsi s’est bâti un ensemble de sujets dont la cohérence est le fait d’une double ascendance. La première est celle, formelle et esthétique, de la construction de l’image. Les photographies répondent à des contraintes de forme parmi lesquelles le désir de connaissance est fondateur. Regarder procède d’une relation, une relation qui demande de prendre le temps, d’être dans l’attention aux choses et non dans l’usage que l’on pourrait en faire.
D’où l’apparente simplicité des images produites par Éric Poitevin. Mais celle-ci est avant tout une réponse à leur insistance. L’artiste montre les objets pour insister lui-même, pour être au plus près d’eux, pour les voir vraiment, sans ajouter d’artifice. À cette attention répond une volonté de précision dans le rapport au volume et à l’espace. Pour cette raison, les formats tendent vers une échelle une. Une illusion qui accentue la frontalité des photographies et assoit l’existence de leur sujet : plus que la photographie d’un bœuf ou un sous-bois, c’est le bœuf et le sous-bois que veut montrer Éric Poitevin. La seconde ascendance qui fonde le travail de l’artiste est celle d’une réalité qui s’éprouve au jour le jour, jusqu’à s’imposer comme évidence.
Les photographies répondent aux images qu’arpente le regard. Il y a une logique cachée, non souterraine, mais de territoire, une logique géographique, dont l’exploration induit l’œuvre. Dans chaque brin d’herbe, chaque trophée de chasse, chaque portrait et chaque nu il y a un climat de l’image, une saisonnalité que portent les photographies d’Éric Poitevin.

Texte écrit à l’occasion de l’exposition d’Eric Poitevin, à la Galerie Bernard Jordan en novembre 2022

INFOS PRATIQUES
Le Narcissio 16 rue Parmentier 06100 NICE
•T 04 93 84 81 30
•www.le-narcissio.fr
Ouvert du jeudi au samedi de 14h30 à 19h et sur rendez-vous.
A partir du 18 juillet uniquement sur rendez-vous.
Entrée libre